Vue depuis le sommet de l'Island Peak

Vue depuis le sommet de l'Island Peak
Du Chamlang à l'Ama Dablam

samedi 6 décembre 2008

Notre sommet


Le 18 Novembre, Alexis est donc redescendu. Les nouvelles sont mauvaises. Migma et Hongshu sont allés au début du mur, il est en glace bleue, impossible de fixer des cordes. Ça sera style alpin ou rien... Les séracs sont difficiles à évaluer. L'heure n'est pas encore au renoncement, nous remonterons.

Le 19, la journée est dure - longue et dure. Alexis a un contre-coup des efforts intenses réalisés. Je vais mieux. Il neige, ce n'est pas bon du tout. Il ne faut pas que les températures dégringolent plus, ça serait intenable. Il ne faut pas qu'il neige trop, nous ne pouvons nous permettre de prendre des risques avec les avalanches sur le mur (pentes entre 50 et 70 degrés). Il ne faut pas non plus que le vent se lève, car là-haut c'est exposé (frontière avec les hauts plateaux tibétains, les rafales s'engouffrent dans la cuvette dans laquelle est le camp 1 avant d'être freinées par la barrière himalayenne). On lit pour oublier et on se réfugie dans nos plumes d'oies. Le soir, briefing : on prend la décision de monter dès le lendemain. On va voir ce qu'on peut faire s'il y a une fenêtre météo. Si on ne le sent pas, on peut encore redescendre et retenter quelque chose jusqu'au 24.

Le 20, c'est donc reparti! Mais à vide ce coup-ci. La forme est revenue, je me sens capable de tout. La moraine n'entame pas notre moral, ni le glacier interminable. La neige a cessé, ne laissant qu'une fine pellicule sur la glace. En revanche des gerbes de neige montent à plusieurs mètres de hauteur au camp 1. Quelques nuages à l'horizon et un baromètre stable le matin. On continue. Arrivée vers 12h00 au camp 1. Mon regard se porte cette fois-ci tout de suite sur le mur. Jumelles à la main, je me rapproche : le renoncement m'envahit vite (trop vite ?). Les séracs sont menaçants. On ne voit pas du tout par où passer et on se voit encore moins brocher sur les parties verticales du mur. Il y a un petit goût d'affront, un soupçon d'humiliation, un peu de honte d'avoir cru être capable... Alexis me rappelle la possibilité de cette arête qu'il avait testée lors de sa première montée au camp 1. Elle est à droite du mur. Elle a été empruntée lors de la première expédition au Ratna Chuli par les Japonais. Elle est praticable jusqu'à environ 2/3 de la hauteur du mur. Elle aboutit sur une pente à 80 degrés que les Japonais avaient mis 1 mois à équiper avec une équipe large. En d'autres termes, c'est un cul de sac pour nous. Nous irons aussi haut que possible : 6500 mètres, si les conditions nous le permettent. On se réfugie sous la tente, frustrés mais réalistes et concentrés sur la montée qui nous attend le lendemain. L'après-midi se déroule classiquement avec comme défi pas si évident de faire chauffer la neige afin de préparer nos petits plats (parmentier de poisson s'il vous plaît! ) le tout sans enlever ses gants, ni s'extraire de son duvet. Le soir arrive, de nouvelles inquiétudes avec. Le vent souffle de plus belle. Les nuages arrivent du Sud. On reste serein, mais on s'échange les consignes en cas de dégradation forte de la météo. Tant qu'il ne neige pas, le camp de base reste à distance raisonnable. Il conviendra alors de descendre si la visibilité le permet. Sans routeur météo, l'opportunité de s'échapper de la montagne avant une trop importante dégradation devra être saisie. En revanche, en cas de forte chute de neige, on se sert les coudes sous la tente sans prendre le risque de s'épuiser à vouloir faire une trace en descente. Pour l'instant que du vent, mais quel vent! A l'intérieur de la tente, c'est un tourbillon de petits flocons. Notre chaleur crée de l'humidité qui se cristallise aussi vite. Nos duvets sont blancs. L'ambiance est inquiétante, mais nous arrivons à dormir quelques petites heures.



21/11/2008
Le réveil est plus calme, le froid toujours là. Les chaussures Everest et les moufles en duvet ne suffisent quasiment plus. Nous nous engageons d'un pas lent tout en ayant ce sentiment d'urgence : on n'est pas à l'aise avec la météo, ça peut tourner en quelques heures, ça va tourner. L'arête est magnifique, la chaîne des Annapurnas se dévoilent à nous. La redescente en rappel se déroule bien, les pensées tourbillonnent un peu.



Avec une poignée de M&Ms comme seul repas depuis le matin, on s'attaque à la descente, chargés à nouveau de sacs de 20 kg. Le temps s'assombrit. Il y a de l'énervement, de la frustration désormais. Le vent nous déporte, alors que nous tentons de dompter une fois de plus la moraine. Alexis chute, puis part devant pour en terminer. Chaque pas me demande une grande concentration. Un sentiment de non sens m'envahit, d'inutilité. Que faisons nous sur cette moraine à faire subir ces efforts à nos organismes? Je réalise qu'après plusieurs mois d'expéditions, mon dernier objectif s'est envolé. Mon esprit se tourne pour la première fois depuis bien longtemps vers le passé. Je finis la descente nostalgique mais apaisé.


Les photos :
http://picasaweb.google.com/guillaume.kretz/NotreSommet#

2 commentaires:

Gilles LM a dit…

superbe les gars ! Merci pour les commentaires et les photos et vive les mm's !

Justine a dit…

whaou!!

À la recherche d'informations sur le Népal et ses superbes sommets, voilà que je tombe par hasard sur votre blog!

Photos et magnifiques et super récit, ça fait vraiment rêver! Profitez au maximum de cette expérience unique!

Une rêveuse de passage!